Wednesday, June 21, 2017

Citation du 22 juin 2017

Chaque civilisation a les ordures qu’elle mérite.
Georges Duhamel – Querelles de famille
Les ordures déboulèrent de la boîte métallique et churent en trombe dans la poubelle, coquilles d'œufs, trognons, papiers graisseux, épluchures.
Queneau – Loin Rueil
Alors pour parler comme Georges Duhamel : quels déchets méritons-nous aujourd’hui, en 2017 ? De vulgaires déchets ménagers comme le dit Queneau ? Si ce n’était que cela, nous n’y penserions même pas ! Alors, quoi d’autre ?
Facile, dirons certains : les cadavres de Smartphone, les emballages cartons, les bouteilles plastique… Certes. Et alors ? D’ici quelques années on y trouvera en plus les restes des achats du moment, et nous n’aurons rien de bien notable à observer.
Non, ce qui distingue notre époque, ce ne sont pas exactement nos ordures, mais bien les poubelles dans les quelles nous les précipitons.
Relisons Queneau : « Les ordures déboulèrent de la boîte métallique et churent en trombe dans la poubelle » : notez la vitesse et le mélange : les ordures sont toutes mélangées et elles passent dans la poubelle à une telle vitesse qu’il serait impossible de les trier.
- Voilà donc une première différence : nous considérons aujourd’hui comme méritoire de trier nos ordures sur place, là où elles sont produites par notre consommation. Tout français dispose de quatre poubelles dans sa cuisine : une pour les relief du repas, une pour les déchets recyclables, une pour les bouteilles de verre et enfin une pour les compostables, où « trognons de chou et les épluchures », pour parler comme Queneau finiront leur existence.
Poubelles multiples donc : voilà non pas ce qui nous déshonore, mais ce qui nous honore.
Maintenant revenons sur la vitesse de production des déchets entraperçue chez Queneau : toutefois il ne s’agit pas du geste qui nous débarrasse du déchet, mais bien de la production de ces déchets. Tout va plus vite de nos jours, y compris la production des détritus : entre l’achat d’un produit et le moment où nous le mettons à la poubelle, le temps écoulé est toujours plus court. Il s’agit bien sûr de l’emballage, qui est prédécoupé pour que le geste de le jeter soit facilité (un grand merci aux ingénieurs en emballage) ; mais on pense aussi aux éléments de fonctionnement de la voiture, de l’ordinateur, de la télé, qui deviennent obsolètes en moins de temps qu’il n’en faut pour écrire ce mot compliqué. Et encore, je ne parle pas de « l’obsolescence programmée » qui est désormais condamnée par la loi.

L’idéal prôné par les écologistes est que nos déchets se recyclent naturellement sans aucune intervention technique, un peu comme dans une forêt lorsque les feuilles mortes deviennent humus sans qu’on intervienne, la nature seule étant à l’œuvre.

Mais on le voit : ces feuilles mortes qui sont de bienfaisants nutriments dans la forêt, seraient inopportunes au milieu de notre pelouse. C’est sans doute dans ce sens qu’il convient d’entendre la phrase de Duhamel : il ne s’agit pas simplement des déchets qui évoluent avec les procédés de fabrication et de commercialisation, mais on devrait penser plutôt tous ces produits que nous rejetons simplement parce qu’ils sont devenus inadmissibles dans notre cycle normal de notre vie. 
Un peu comme les SDF ?

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