Friday, February 10, 2017

Citation du 11 février 2017

Examine si ce que tu promets est juste et possible, car la promesse est une dette.
Confucius
«Covenants, without the sword, are but words » (Pactes sans sabres, ne sont que palabres)
Hobbes - Léviathan, II, XVII
La promesse est une dette : oui, si on admet qu’elle nous engage pour l’avenir autant qu’une dette. Maintenant il faudrait quand même savoir de quoi il s’agit : si j’emprunte quelque chose, il va de soi que je dois le rendre sinon ce serait un vol ; mais la remarque de Confucius fonctionne « à contrechamp » : je ne suis plus celui qui promet de rendre ce qu’il a reçu, mais celui qui promet de faire un prêt : mon engagement doit-il être aussi impératif ?
Ecoutez la cigale de la fable : « Je vous paierai, …, / Avant l'Oût, foi d'animal, / Intérêt et principal. » La fourmi comme on le sait n’est pas prêteuse : pour elle, une promesse consiste dans des mots, un peu d’air agité par des lèvres, et la promesse de l’emprunteuse ne lui inspire guère confiance. C’est pour cela qu’on a inventé les dépôts de garantie : je te prête si tu es assez riche dès aujourd’hui pour me rembourser demain. Mais alors, pourquoi emprunter ? C’est insoluble !
Heureusement les linguistes américains, Austin en tête (1), sont venus nous expliquer que dans certaines circonstances, les mots sont des faits aussi décisifs que des actes, et que dire « Je te promets » engage autant qu’une prestation d’échange ou de service.
Bien sur certains vont jusqu’à multiplier les conditions qui rendent la promesse effective : en particulier les serments sur la bible ou sur la tête d’un être cher. Mais qu’importe : si tout cela à une importance c’est bien parce qu’au bout du compte, les mots remplacent les choses.

Et puis un jour arrive quelqu’un qui se moque de ces conventions. Quelqu’un qui dit : « Vos traités (par exemple) commerciaux ne valent rien pour moi. Un trait de plume les a ratifiés, un autre les supprime. Et si vous contestez il faudra le faire les armes à la main. » On pense bien sûr à l’attitude du nouveau Président des Etats-Unis, même s’il n’a pas encore convoqué son armée, il a du moins promis d’utiliser la force toutes les fois qu’il le jugera nécessaire.

La force prime le droit – et quand c’est l’inverse qui se produit, c’est déjà une décision de droit, autrement dit ce fondement-là est on ne peut plus fragile.
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(1) J.L. Austin, philosophe américain, auteur d’une théorie du langage comportant la notion de performativité

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