Wednesday, August 31, 2016

Citation du 1er septembre 2016

"Marianne a le sein nu parce qu'elle nourrit le peuple ! Elle n'est pas voilée, parce qu'elle est libre ! C'est ça la République ! C'est ça Marianne !"
Manuel Valls – En meeting à Colomiers, lundi 29 août

- Si Manuel Valls avait voulu « faire le buzz », c’est absolument réussi.
- S’il avait cherché  des verges pour qu’on le batte, c’est également réussi. Parce que tous les historiens de la République – et Dieu sait s’ils sont nombreux – se sont levés pour le démentir. « Non, Marianne n’a pas forcément le sein nu ; non elle n’est pas systématiquement le symbole de la femme ; quant à la liberté c’est lorsqu’elle est armée qu’elle la représente le mieux. Et puis, voyez-vous, dans la période révolutionnaire, la liberté des femmes, ça n’était pas franchement l’objet des revendications. »
- Si Manuel Valls avait voulu représenter la fonction nourricière de la Femme comme une dignité, c’est également raté :


Mais en réalité  ce n’est rien de tout ça. Manuel Valls a voulu dire aux femmes musulmanes : « Si vous voulez qu’on vous considère comme des femmes libres, enlevez vos voiles et montrez vos nichons. »

Et là non plus, ça n’est pas gagné.

Tuesday, August 30, 2016

Citation du 31 aout 2016

Nous savons si peu ce que nous faisons en ce monde que je doute même si le doute est vraiment l'action de douter.
Lord Byron / Don Juan
« J’ai des doutes » disait Raymond Devos dans un de ses sketches mémorables (Vidéo ici).
Bien sûr le doute de Devos n’avait pas lieu d’être puisqu’il était évident que sa femme le trompait avec son meilleur ami ; mais à la différence de notre humoriste, Lord Byron affirme qu’on devrait remplacer le doute par un aveu d’ignorance.
C’est qu’en effet le doute est une position intermédiaire  entre certitude et ignorance, le moment où la balance du savoir est en exact équilibre entre ces deux extrêmes, les plateaux oscillant sans cesse entre pencher d’un coté et puis de l’autre. Byron démystifie le doute : pour lui l’action de douter ne se borne pas à produire le doute lui-même, car elle nous engage dans l’illusion qu’on pourra savoir ce qu’on fait sur terre – et même qu’on le saura un jour… tout au fond de nous, ce doute ne résulte pas d’une incertitude, car il n’est en réalité qu’un effort pour rester dans l’espérance que quelque chose viendra un jour pour nous révéler ce qui se cache derrière le rideau.


Byron laisse entendre qu'avec un peu de courage, on délaisserait le confortable écran du doute, et on pourrait alors arriver à une certitude : celle que rien ne nous est caché, parce que derrière le rideau, il n'y a rien. Car si vraiment rien ne vient me dire pourquoi je suis sur terre, ne devrais-je pas conclure que mon existence est absurde – entendez sans aucune justification – et que ma disparition ne changera rien du tout.

Monday, August 29, 2016

Citation du 30 aout 2016

La société n'est qu'un jeu où chacun a un but séparé, des intérêts à part, un plan à faire réussir.
Lord Byron (1788-1824)
Voilà une citation qui répond bien à ce qu’on pensait  à l’époque : la société n’est qu’un agrégat d’individus, réunis par un lien qu’ils ont volontairement contracté – à moins qu’ils ne l’aient  subi. C’est ainsi que les adeptes du Contrat social imaginent des hommes dispersés dans la nature, se réunissant en faisant un pacte – un peu comme les pèlerins du Mayflower à supposer qu’ils n’aient jamais vécus en société auparavant (1). Quant aux autres, ils ne font société qu’en raison de la violence d’un maitre, comme le troupeau réuni par le berger.

Contre cela, les sciences sociales ont mis en relief le fait que les individus ne sont que des éléments détachés d’une population et que si ces individus sont différents les uns des autres, ce n’est qu’en raison de qualités tout à fait secondes. Basiquement, on peut dire que, qu’on soit un clochard ou un roi, les corps sont faits de la même façon et en cas de compatibilité tissulaire, le cœur du premier peut être greffé dans la poitrine du second…

Maintenant, Byron évoque les besoins : selon lui, la société résulte des besoins individuels dont elle est la somme ; son rôle est de permettre la satisfaction des besoins et d’imposer la paix entre les hommes – étant entendu (comme l’a montré Hobbes) que sans la violence du pouvoir la lutte pour la satisfaction des besoins entrainerait la destruction de la société entière.
Mais depuis Durkheim on sait que la société aussi a ses propres besoins. Si comme le suppose le sociologue la société est un organisme existant en dehors des individus alors elle a aussi des besoins que les individus ne connaissent pas – ou ne reconnaissent pas. Dès lors il faut admettre qu’elle impose leur satisfaction par des tendances fondamentales qui se manifestent dans les individus mais qui en réalité ont surtout pour fonction la satisfaction de nécessités vitales pour la société. Ainsi du besoin de justice ou d’égalité entre les individus : ce ne sont pas seulement des revendications individuelles, c'est aussi ce sans quoi la société fonctionnerait moins bien en raison des conflits qu’on ne pourrait plus éviter.
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(1) Il s’agit du Mayflower Compact.
(2) Cf. une excellente analyse du sujet à lire ici.

Sunday, August 28, 2016

Citation du 29 aout 2016

Un monde gagné pour la technique est perdu pour la liberté.
Bernanos – La France contre les robots (1947)
Cet essai de Bernanos date de 1947, époque à laquelle les innovations techniques ne renvoyaient pas comme aujourd’hui à des modes de consommation, mais plutôt à des modes de production. Ne faisant pas trop  la différence entre libéralisme et machinisme, Bernanos se livre à des imprécations politico-morales plus proches du marxisme que des utopies écologistes.

- 70 ans après que retiendrons-nous de cet essai ? Sa dénonciation visionnaire de la mondialisation et de ses délocalisations ? Certes. Mais on  notera surtout le décalage du point de vue : notre époque n’a plus peur de l’invasion des « robots » mais plutôt du ravage de la planète. La direction que prenait Bernanos en dénonçant les progrès techniques était-elle la voie qui aboutit aujourd’hui à l’altermondialisme ? Je ne le crois pas, du moins si l’on s’en tient à ces pages de 1947.
Reste que, de toute façon, nos peurs sont fonction des époques, dans la mesure où en changeant de période, nous les oublions parfaitement quand bien même le risque n’aurait pas disparu. La peur de la guerre atomique ? Oubliée – ce qui n’empêche que le feu nucléaire reste toujours menaçant. La peur du conflit entre deux puissances luttant pour avoir l’hégémonie mondiale (style 1984 de G. Orwell) ? Parlez-nous plutôt des ouvriers bangladais, payés 2 euros par jour. – N’empêche que les pays du Moyen-Orient s’étripent pour dominer la région et qu’on voit bien qu’il n'est pas possible de rester à l’écart de ces conflits.
Et puis, qui se souvient de la peur de voir des êtres humains clonés ?
- Peur des clones ? C’est quoi, ça ???
o-o-o
Mais surtout, n’y a-t-il pas une certaine naïveté à prononcer des condamnations définitives de certaines nouveautés, telles justement que les nouveautés radicales de la technique ? Croire que l’exploitation des hommes serait la conséquence du machinisme est une naïveté que Marx n’a pas commise : il recommandait de prendre les commandes des machines et non de les briser.

Et puis, en appeler comme le fait Bernanos à la rébellion de la jeunesse, c’est tout de même présomptueux. Nos jeunes sont trop occupés par la chasse aux Pokémons pour faire autre chose.

Saturday, August 27, 2016

Citation du 28 aout 2016

Agis … de telle sorte que le libre usage de ta volonté puisse s’accorder avec la liberté de chacun suivant une loi générale.
Kant – Doctrine du droit, Introduction.
Est-ce que cette définition du droit nous donne un moyen d’y voir plus clair dans le débat actuel dit « Débat sur le burkini » ?
Kant relève deux conditions qui rendent possibles l’existence du droit :
- d’une part qu’on soit dans l’état civil (gouverné par des lois civiles et non par les rapports de force comme dans l’état de nature) ;
- et donc qu’on soit également dans une société fondée sur un contrat originaire, autrement dit que chacun ait reconnu l’égale dignité comme citoyen de tous les autres.
Dès lors la laïcité est la condition pour que cette société puisse exister : s’il s’agissait de n’avoir d’autre conviction religieuse que celles qui sont autorisées par le Souverain (1), alors tous ne seront pas également citoyens. Et puisque de façon très générale la liberté doit ne connaitre d’autre restriction que celles imposées par son effet sur les autres (2), alors les manifestations publiques d’un culte ne sauraient être restreintes, sauf à troubler l’ordre public – en particulier en faisant du prosélytisme.
o-o-o
Bon – ça on le sait déjà, on nous le serine à longueur de débats. Qu’est-ce que Kant pourrait bien ajouter ? Eh bien simplement ceci : les actions autorisées par le droit ne sont que celles qui résultent du libre usage de la volonté. Autrement dit se trouvent exclues du Droit les actions qui sont déterminées par les besoins ou les désirs et non par la liberté (3).
- Et donc : Je ne peux vouloir interdire le voile, le hidjab, la burka etc... simplement parce que je trouve ça ignoble de transformer les femmes en fantômes qui n’ont droit d’exister dans l’espace public qu’à la condition d’y apparaître masquées, parce que, si je veux agir avec justice, je ne peux faire de mon sentiment de dégoût le principe de la loi.
- Par contre, si je peux démontrer que cette violence faite aux femmes détruit leur droit à exister comme être souverain, alors oui : il y a bien viol du Principe fondamental de notre société et il faut sévir.

Oui, mais dans ses sanctions la justice doit également être respectueuse de la dignité de la personne.
Et là, ça coince un peu…

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(1) Cujus regio, ejus religio (« Tel prince, telle religion ») Voir ici

(2) « Le concept de droit … ne s’applique qu’aux relations extérieures …d’une personne sur une autre, en tant que leurs actions peuvent avoir … de l’influence les unes sur les autres. » Kant – Doctrine du droit, Introduction.
(3) Ce qui ne signifie pas que ces actes (se nourrir, satisfaire ses besoins vitaux, chercher le plaisir etc.) soient illégaux, mais seulement que les lois qui les règlementent sont de l'ordre de la gestion.

Friday, August 26, 2016

Citation du 27 aout 2016

Barbe. Poils qui sont habituellement coupés par ceux qui estiment à juste titre que la coutume chinoise de se raser la tête est absurde.
Ambrose Bierce / Le dictionnaire du Diable
Notre citation-du-jour attire l’attention sur les modes qui président à la taille de la barbe et des cheveux. Collier, bouc ou moustache, la barbe est l’occasion d’exercer un contrôle sur le système pileux que la nature nous a fourni – de sorte que même ceux qui ne taillent jamais leur barbe sont encore des gens qui ont opéré un choix, étant entendu qu’ils auraient fort bien pu faire comme  les autres. La barbe est d’ailleurs souvent un signe de ralliement, des barbudos cubains aux fondamentalistes religieux.
 o-o-o

Ce contrôle de la nature est-il une exception, ou au contraire se manifeste-t-il aussi dans d’autres lieux ?
Eh bien, les ethnologues nous l’ont montré : les êtres humains contrôlent toujours ce que la nature leur donne, ne laissant libre cours à celle-ci que pour lui faire signifier quelque chose – allant même jusqu’à reconstituer le naturel « artificiellement » quand l’occasion s’en présente.
Il n’est, pour s’en persuader, que d’observer les jardins. Prenons par  exemple l’opposition entre les jardins à la française et les jardins à l’anglaise :



On voit que si les français considèrent les plantes comme une matière première servant à dessiner dans le jardin, un peu comme les couleurs sur la palette du peintre, les anglais quant à eux les considèrent servant à produire des formes pittoresques, la main de l’homme ne se trahissant que par l’agrément obtenu.


Et alors : la barbe ?