Thursday, September 08, 2016

Citation du 9 septembre 2016

La liberté de critique est totale en URSS et le citoyen soviétique améliore sans cesse sa condition au sein d'une société en progression continuelle.
Sartre, de retour d'URSS, Libération, 15 juillet 1954
Oui, vous avez bien lu : nous sommes en 1954, et c’est Jean-Paul Sartre qui écrit cela dans le journal Libération – pas le journal qui porte ce nom aujourd’hui, mais celui qui, issu de la Résistance, fut publié de 1941 à 1964.
Alors qu’il était en plein compagnonnage avec le PCF, dans les années 1950, il rétorqua à ceux qui critiquaient le colportage de pareilles  contre-vérités qu'« il ne faut pas désespérer Billancourt », voulant signifier par là qu’il ne faut pas forcément dire la vérité aux ouvriers, de peur de les freiner dans leur élan révolutionnaire.
Sartre a donc endossé le costume de l’idiot utile, expression attribuée à Lénine qui servait à qualifier les Occidentaux sympathisants du communisme, qui reprenaient et répandaient sans grand sens critique la propagande de l’Union soviétique. Toutefois, il s’agit comme on s’en doute d’une ruse, Sartre n’étant pas un idiot, mais celui qui fait l’idiot.
Bon – c’est bien banal en effet. Mais n’y a-t-il pas des cas où on n’est certes pas idiot, mais où on le devient ? Des cas où on finit pas croire sincèrement à des bêtises simplement parce qu’elles émanent du bureau politique ? Mais attention : il ne s’agit pas simplement d’éléments de langage, bouts de phrases répétés mécaniquement pour faire front aux critiques. Il s’agit d’énoncés de « vérité », dont le poids est d’autant plus lourd qu’ils sont formulés par le groupe dont on fait partie.
Après tout, on ne s’étonne pas de voir les membres d’une sectes répéter les phrases prononcées par le Gourou : il s’agit en réalité d’un processus très général et donc très commun, qui déborde largement le cadre des sectes. Les radicalisations religieuses en sont certes un exemple ; mais aussi les clubs de supporters, les groupes de copains qui sortent le samedi soir.

Mais dans ce cas, la vérité admise en commun débouche sur des actes commis en commun. Et ça, c’est plus grave.

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