Friday, September 16, 2016

Citation du 17 septembre 2016

- Il y a des livres dont il faut seulement goûter, d'autres qu'il faut dévorer, d'autres enfin, mais en petit nombre, qu'il faut, pour ainsi dire, mâcher et digérer.
Francis Bacon – Essais, sur l'étude
- Les épouses sont les maîtresses des jeunes gens, les compagnes de l'âge moyen et les gardes-malades des vieillards.
Francis Bacon – Essais, du mariage et du célibat
- La jeunesse est plus apte à inventer qu'à juger, à exécuter qu'à conseiller, à lancer des projets nouveaux qu'à poursuivre des anciens.
Francis Bacon – Essais, du mariage et du célibat
Trinité 2
3 citations, 3 formules identiquement structurées. Les livres, les épouses, la jeunesse sont examinés dans ces formules en rapport avec un élément (la nourriture, le mari, les projets), et à chaque fois ce rapport est modulé selon 3 degrés : de l’ingestion, de l’assistance, de l’action. C’est ce qu’on appelle dans les études stylistiques le rythme ternaire.
Il semblerait présomptueux de vouloir disserter sur le rythme ternaire en littérature, et en particulier à propos de ces citations de Bacon – « Procédés rhétoriques, personne ne s’en soucie ! ». Mais depuis la campagne électorale de 2012, François Hollande a su mettre sur le devant de la scène la rhétorique avec sa célèbre anaphore et elle ne l’a pas quitté depuis ; au point que « Moi, Président… » est devenu un gimmick (1). Mais si l’anaphore comporte un nombre non limité d’occurrences, la trinité quant à elle est beaucoup plus stricte : tout ça marche par trois, jamais plus, mais aussi jamais moins. Il y a donc un point de vue précis qui justifie cette énumération.
Vérifions avec nos Citations-du-jour.
- Le livre d’abord. Il est ici envisagé sous l’angle de la consommation. Notre rapport au livre est celui de la lecture, mais cet usage est imaginé comme une ingestion, voire même une métabolisation. Il y a des livres dont on ne saurait faire profit, sauf à en tirer un plaisir momentané (2). Il y en a par contre qu’on doit, pour les apprécier, lire en entier et d’une seule traite. Et puis il y a ces livres dont on dit qu’on s’en contenterait si l’on devait n’en avoir qu’un sur une ile déserte.
- Les épouses, comme on le voit ici, n’existent que pour le service de leur mari. Service de sexe d’abord ; puis service de ménage ; et enfin service de pot-de-chambre.
- Les jeunes à présent, sont envisagés sous l’angle du projet. Toutefois, on a un raffinement, puisque les trois critères de jugement trois inégalités : inventeur > évaluateur ; exécutant > conseiller ; innovateur > continuateur.

D’où : pas de livres sans lecteurs ; pas d’épouses (= de femmes) sans maris (= hommes) ; pas de jeunesse sans vieillesse.
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 (1) Sur ce célèbre débat et sur ce qui en suivit, voir cet article. A noter que, comme on s’étonnait auprès de Nicolas Sarkozy qu’il n’ait pas interrompu cette tirade, il répondit : « Il était ridicule, pendant qu'il parlait, je comptais combien de fois il se répétait. Son attitude sera sanctionnée ». Ah ! Si notre ex-président avait mieux suivi ses cours de littérature, il aurait tout de suite identifié une figure de rhétorique dont l’efficacité a été vérifiée par une longue pratique. C’est la revanche de La princesse de Clèves

(2) On pense à Roland Barthes qui définit le plaisir du texte comme cet usage primesautier du lecteur qui, dans la lecture,  ne recherche que le plaisir.

1 comment:

FRANKIE PAIN said...

mercipour cette leçon de rhéthorique et stylistique
on a toujours d'un petit point de plus à la besace de notre grand chemin surtout celui qui est celle du plaisir,
je vous embrasse chrer jean pierre. merci de francis bacon.