Tuesday, August 16, 2016

Citation du 17 aout 2016

Quand on embrasse, dans quel sens faut-il tourner la langue ?
Delphine de Vigan – No et moi p. 79
Pour se poser une telle question, il faut être Lou, la jeune héroïne de Delphine de Vigan, qui, à 13 ans, ressent ses premiers émois amoureux ; mais, malgré son Q.I. à 160, elle est encore une gamine et ses Encyclopédies n’ont pas forcément réponse à tout.

Mais enfin, où donc Delphine de V. est-elle allée chercher ça ?
            - Est-ce une question réellement entendue dans la cour de récré, entre copines ?
            - Ou alors est-ce juste pour permettre à No (l’autre héroïne du roman), du haut de ses 18 ans, de répondre dans un haussement d’épaule : « Y pas de sens pour embrasser, on n’est pas des machines à laver ! » (p. 102)
            - A moins que ce soit un « running gag », puisque l’auteur y revient avec la toute dernière phrase du roman, quand l’amoureux de Lou lui a enfin donné ce baiser :
« Il a approché sa bouche de la mienne, et j’ai senti ses lèvres d’abord, et puis sa langue, et nos salives se sont mélangées.
Alors, j’ai compris que, parmi les questions que je me pose, le sens de la rotation de la langue n’est pas la plus importante. »

Mais, après tout, ce qui compte, ce n’est pas que ce soit authentique, mais plutôt que ça permette de s’interroger : Quelles questions sont donc plus importantes que celle-là ?
A 13 ans une jeune fille peut encore se poser toutes sortes de questions, du genre : Mes parents m’aiment-ils ? Serai-je plus tard une super star ? Pourrai-je devenir médecin sans frontière ? Serai-je à la hauteur de mes désirs ?
Oui, n’est-ce pas, c’est cette dernière question qui compte le plus, parce qu’elle sert de matrice aux autres. Derrière chaque élan, chaque aspiration se cache un désir qui lui donne son sens. J’ai bien dit : un désir et non pas des désirs. Lou a compris qu’il ne s’agit pas de faire sa crâneuse avec les copines ou bien d’être fière d’avoir respecté scrupuleusement les injonctions des parents. Il s’agit de quelque chose de beaucoup plus important : mériter d’être l’enfant qui ne sera ni rejetée ni abandonnée par ceux qu’elle aime, que ce soit un Papa-chéri, ou une tendre maman ou un amoureux-qui-sait-embrasser (et plus si affinité).
Ne pas être chassée du Paradis, comme le fut Eve.


Eve hurlant son désespoir – Fresque réalisée par Masaccio à l’église Santa Maria del Carmine de Florence.

No comments: