Victoire... Défaite... Ces mots n'ont point de sens. La vie
est au-dessous de ces images, et déjà prépare de nouvelles images. Une victoire
affaiblit un peuple, une défaite en réveille un autre.
Antoine
de Saint-Exupéry – Vol de nuit (1931)
Je vois la victoire comme une borne sur une autoroute sans
fin.
Joan
Benoit Samuelson
Consolation
–
Comme
chaque année j’ai une pensée pour les candidats bacheliers : j’aimerais
consoler ceux qui vont rester sur le carreau, mais aussi avertir ceux qui réussissent
à passer la barre.
Victoire...
Défaite...
Voyons un peu du côté des sportifs, footballeurs ou
tennismen. Que disent-ils à propos de chaque match ? Avant : je prends
chaque match l’un après l’autre. Après : il me faut travailler
d’avantage pour la prochaine compétition. C’est une continuité faite de
l’égrènement des épreuves : voilà qui prime sur la victoire et la défaite.
Chaque coupe gagnée doit être remise en jeu ; chaque élimination est
l’occasion d’une réinscription.
Quel est le problème ? Aucun si l’effort consenti
permet de s’inscrire dans une dynamique qui se déploie par en-dessous. Par
contre, si on voit ces épreuves comme des rééditions de la même épreuve, comme
un « éternel retour du même » : alors oui, il y a problème.
Raphael Nadal, neuf fois vainqueur de Roland Garros a réalisé un exploit hors
du commun – et après ? Que lui reste-t-il aujourd’hui (à supposer
qu’il ne puisse plus revenir dans la compétition) ? Qu’a-t-il obtenu qu’il
n’aurait pas eu s’il avait gagné non pas neuf, mais huit ou dix fois ? La
défaite ne vaut guère plus en terme de signification, si elle n’est qu’une
prise de conscience d’une situation par rapport à l’objectif de la compétition.
Le bac maintenant.
Imaginez un peu : vous êtes candidat au bac et vous
attendez les résultats. Quel qu’ils soient vous aurez deux possibilités :
soit d’exulter soit de vous désespérer – Reçu, vous vous estimez déjà à l’étape
suivant, étudiant ou chercheur d’emploi , c’est selon les circonstances. Mais
en cas d’échec ? Vous sentez-vous marqué à tout jamais, comme celui qui a
raté son bac ? Mais, de toute façon, dites-vous que, quand vous aurez 50
ans, à moins d’avoir un psychisme un peu bizarre, vous n’y penserez vraiment
plus du tout.
Dans notre Citation-du-jour, Saint-Exupéry considère que
vainqueur ou vaincu, c’est du pareil au même à condition d’être toujours dans
la prospective – Et justement :
tout passe, tout s’efface, la nouvelle étape recouvre la précédente et l’oubli
fait le reste.