Friday, February 05, 2016

Citation du 6 février 2016

Les inventeurs visionnaires : Diderot et la sublimation.
Il y a un peu de testicule au fond de nos sentiments les plus sublimes et de notre tendresse la plus épurée.
Diderot –Lettre (à Grimm)
On l’évoquait ici même hier, et l’opinion en reste  encore aujourd’hui vivace : les femmes qui valent les hommes sont en réalité des hommes qui ont pris place dans un corps de femme. Et encore faut-il que dans ce corps subsiste quelque chose de viril : les testicules – c’est ce qu’affirme Diderot, sans doute faute de connaître la testostérone.
Et voilà donc cette virilité convoquée pour expliquer l’existence des sentiments les plus sublimes et de la tendresse la plus épurée. Paradoxe ? Bien sûr, pour qui imagine la sexualité de l’homme comme source de sauvagerie et de viol –  de violence sans limites.
Seulement voilà : ce ne serait pas ça du tout qui se produirait, car plus la tendresse est épurée, et plus elle dépend d’un peu de testicule. Cette intuition de Diderot n’est pourtant pas si paradoxale, car elle nous rappelle ce que Freud appelle la sublimation.
Sublimation : « C’est un type particulier d'activité humaine (la création littéraire, artistique et intellectuelle) sans rapport apparent avec la sexualité mais tirant sa force de la pulsion sexuelle en tant qu'elle se déplace vers un but non sexuel en investissant des objets socialement valorisés. » (Source : Wiki. Lire ici)
Bref : admettons que l’énergie sexuelle soit à l’origine de l’activité créatrice du poète, du romancier ou du peintre. Du coup, comme le disait Frédéric Dard ( le bien nommé !) : « Moi, le jour où je ne banderai plus je me suiciderai », sous entendu « parce que je ne pourrai plus trouver l’énergie nécesaire pour faire vivre San Antonio ». Admettons aussi que tant qu’à être désexualisée, cette pulsion puisse venir habiter dans le tendre sentiment qu’une maman nourrit pour son petit – il n’en reste pas moins que si l’on en croit Diderot, la pulsion qui se « sublimise » est nécessairement virile, chez les hommes comme chez les femmes. D’où la supposition qu’il n’y a qu’une forme de libido possible, la masculine, ce à quoi Freud applaudira 150 ans plus tard.


Et en 2016 : admettrait-on cette affirmation ? J’en étais là de mes doutes quand jeudi soir à la télé une écrivaine (sic) expliquait qu’elle avait besoin de faire l’amour pour pouvoir écrire. Non pour la satisfaction que ça lui apportait mais pour l’excitation qui en résultait – excitation sans la quelle elle ne pouvait écrire. Passons sur la remarque qui vient de suite à l’esprit (seules les dames mal b… peuvent avoir un reste d’excitation non consummée réutilisable ailleurs), et remarquons que le même mécanisme de retournement de la sexualité en d’autres activités créatrices existe chez les femmes comme chez les hommes, et que donc on n’a même pas à se demander si c’est  la même libido : il suffit d’observer que ça donne le même résultat.

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