Sunday, November 01, 2015

Citation du 2 novembre 2015

Quelle vérité que ces montagnes bornent, qui est mensonge au monde qui se tient au-delà.
Montaigne (1533-1592)
Plaisante justice qu’une rivière borne ! Vérité au-deçà des Pyrénées, erreur au-delà.
Pascal (1623-1662) (Lire le texte en Annexe)

A propos de Wiki et la fonction copier/coller 

Il fut un temps où les emprunts faits à une œuvre antérieure n’étaient pas dénoncés comme plagiat, où l’auteur en question n’était pas honni comme fraudeur – on sait ce qu’il en est aujourd’hui.  Je ne parle pas seulement des auteurs d’essais ou de biographies qui recopient allègrement des pages entières déjà publiées, je parle aussi des étudiants qui « pompent » leurs devoirs sur Internet.
Les emprunts de Pascal à Montaigne sont très nombreux, même si par ailleurs Pascal refuse d’être assimilé au scepticisme de Montaigne : ici par exemple, il ne s’agit pas de nous faire accepter l’ignorance du juste et de l’injuste, mais de nous pousser vers Dieu qui seul possède la vérité qui nous échappe.
Néanmoins, si Pascal fait de tels emprunts, c’est sans doute qu’à son époque on a l’habitude d’en faire : peut-être comme Montaigne justement pour se placer sous l’autorité de l’auteur cité (cf. Post du 30 octobre) ; mais aussi parce qu’on n’avait sans doute pas la même exigence de respect quant à la référence de l’œuvre à son auteur. La copie importait peu, seul comptait le contenu : à quoi bon refaire à nouveaux frais ce qui a déjà été dit ? Bien sûr, on se rappelle La Bruyère : « Tout est dit et l’on vient trop tard…. » – ça ne l’a pas empêché d’écrire les Caractères.

Je reviens à la réflexion qui m’a poussé sur ce chemin : comment reprocher à nos lycéens (et parfois à leurs profs !) de pomper des pages entières sur Internet pour les coller telles quelles dans leurs disserts, puisque l’exemple vient de si haut !
D’ailleurs, tout « pompage » est-il mauvais ? Le réemploi de ce que contiennent tous ces livres, qu’on nous a ordonné de lire, est-il interdit, sauf à en mentionner les références bibliographiques (comme ces bas de pages de thèses universitaires où les notes référençant les ouvrages cités prennent plus de place que le texte lui-même !)
Bref : existe-t-il un bon usage du «  pompage » qu’on pourrait distinguer du « mauvais pompage » ? La seule réponse qui me vient à l’esprit est ce citer (là encore !) Pascal : voyez son texte en Annexe : sa pensée y est construite avec méthode, rigueur et solidité. Cette pensée, quand bien même elle intègrerait des éléments venus d’ailleurs, est bien sa pensée, ces arguments sont son œuvre et du coup la formulation en devient presque anecdotique.
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Annexe – « Sur quoi la fonderatil, l’économie du monde qu’il veut gouverner ? Serace sur le caprice de chaque particulier, quelle confusion ! Serace sur la justice, il l’ignore. Certainement s’il la connaissait il n’aurait pas établi cette maxime la plus générale de toutes celles qui sont parmi les hommes, que chacun suive les mœurs de son pays. L’éclat de la véritable équité aurait assujetti tous les peuples. Et les législateurs n’auraient pas pris pour modèle, au lieu de cette justice constante, les fantaisies et les caprices des Perses et Allemands. On la verrait plantée par tous les États du monde et dans tous les temps, au lieu qu’on ne voit rien de juste ou d’injuste qui ne change de qualité en changeant de climat, trois degrés d’élévation du pôle renversent toute la jurisprudence. Un méridien décide de la vérité, en peu d’années de possession les lois fondamentales changent. Le droit a ses époques, l’entrée de Saturne au Lion nous marque l’origine d’un tel crime. Plaisante justice qu’une rivière borne ! Vérité audeçà des Pyrénées, erreur audelà. »  Pensées (Fragment Brunschvicg 294)

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