Monday, May 04, 2015

Citation du 5 mai 2015

Il n’y a pas de phénomènes moraux, il n’y a que des interprétations morales des phénomènes.
Nietzsche – Par delà le bien et le mal
Où donc est la morale ? Dans les actes ou dans les intentions?
            - Seuls les actes comptent ; le bien s’incarne dans certains actes, qu’il suffit de réaliser pour devenir bon et gagner le paradis. Ainsi faisaient les pharisiens, qui accomplissaient des actes vertueux, ce qui ne les n’empêchait pas d’avoir un cœur impur.
            - Si au contraire la morale est une affaire de cœur, il faut dire qu’elle dépend de chacun de nous, car elle n’est rien d’autre que le jugement que nous portons sur les évènements de la vie. En dehors de ça, il n’y a que de la technique : des actes efficaces ou non.
Admettons provisoirement que ce soit là le sens de cette phrase de Nietzsche. Mais si ces évaluations sont des interprétations morales, reste à savoir en fonction de quoi elles se font.
On a déjà évoqué ici la distinction wébérienne entre éthique de la responsabilité et l’éthique de la conviction : certains voudront que tout acte coïncide avec ses principes, même si l’échec est garanti. D’autres préféreront obtenir un résultat conforme à la valeur souhaitée, même si ni l’acte lui-même, ni le résultat ne ressemblent tout à fait à ce qu’on appelle la morale.

Est-ce là ce que pensait Nietzsche lorsqu’il affirme qu’il n’y a aucun « phénomène moral » ? En fait, je crois qu’il ne visait pas une quelconque relativité des valeurs morales. Car, ce qui compte avant tout selon lui, ce n’est pas seulement l’évaluation des actes, c’est d’abord leur production : c’est elle qui nous donne la réalité de l’acte moral (d’où le terme étrange de « phénomène »). S’il faut examiner leur origine pour les évaluer, c’est parce qu’ils sont produits de façon très variable. Les uns sont sous l’emprise des principes qui sont l’expression de la transcendance. Ainsi des Commandements divins. C’est pour ceux-là qu’il s’écrie : « Brisez, brisez les tables de la loi ! » (Zarathoustra). Les autres, au lieu d’être l’extériorisation d’une volonté, sont l’effet d’une réaction aux forces qui oppriment l’homme

Car l’acte pour être moral – et donc pour être évaluable – doit être l’expression d’une force qui habite l’homme qui et qui l’exprime. C’est comme cela qu’il y a une morale du maitre et une morale de l’esclave :
            - La première est habitée par une force qui exprime la puissance de la volonté.
            - La seconde est l’expression du ressentiment et donc n’existe que par la souffrance subie. 

Interpréter les actes moraux consiste donc à les  classer selon leur origine – c’est en cela que consiste la « généalogie » de la morale.

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