Monday, May 11, 2015

Citation du 12 mai 2015

La société de consommation a besoin de ses objets pour être et plus précisément elle a besoin de les détruire.
Jean Baudrillard – La société de consommation (1978)
(1978 – Notez la date de publication de l’ouvrage de Baudrillard : 1978. C’était l’époque où l’on aimait rappeler cette définition de la société de consommation, entre autre parce que ça nourrissait notre indignation et notre soif de pureté et de retrait – là bas, au fond de la Lozère.)

Oui, à l’époque on s’indignait d’entendre qu’on nous fournissait des choses dont le seul intérêt était d’être destructible. Que dis-je ? De devoir être détruits. Que dans notre société consommer n’avait que cet intérêt, et rien d’autre. Du coup on s’indignait d’être manipulés par d’odieux commerciaux, comme les vendeurs de Coca-Colas.
Voyez comme les choses ont changé : aujourd’hui, personne ne s’indigne de devoir jeter avec l’emballage une part importante du produit qu’on vient d’acheter. Qu’il y ait deux parts dans ce produit : celle qu’on jette immédiatement (l’emballage), pour pouvoir accéder à celle qu’on détruira un peu plus tard (le consommable), quoi de plus ordinaire ?
Et en même temps, quoi de plus jouissif ? Car nous avons besoin de détruire.
Coca-Cola : le meilleur avec ce produit est dans le geste qui écrase la canette et qui la flanque à la poubelle : du moment que c’est dans les recyclables, tout va bien !
Tout ça pour dire que nous sommes devenus plus purs ou plus naïfs qu’autre fois. Il ne s’agit plus pour nous de soupçonner que des capitalistes cyniques profitent de nous en nous forçant (pour leur plus grand profit) à consommer ce dont nous n’avons nul besoin. Nous, ce qui nous préoccupe c’est seulement de sauvegarder l’intégrité de la planète : que la canette de Coca soit en matière biodégradable – rêvons un peu : qu’elle soit faite d’un engrais qui va fertiliser le sol où nous la jetterons – et alors nous serons heureux.

Et en plus nous aurons toujours le plaisir de l’écraser dans notre main, exactement le même plaisir que lorsque, enfant, nous allions piétiner le château de sable que notre papa venait de nous faire.

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