Sunday, April 12, 2015

Citation du 13 avril 2015

Extérieurement nous allons paisiblement côte à côte, mais pendant ce temps-là l'air qui nous sépare est sillonné d'éclairs comme si quelqu'un le fendait continuellement à coup de sabre.
Franz Kafka

Comment mieux dire ? Comment décrire cette horrible sensation de la rupture violente entre deux personnes ? Rupture qui, comme entre deux aimants, exige pour se faire, d’autant plus de force qu’ils sont plus proches. Rupture encore plus cruelle lorsqu’elle ne s’accomplit pas totalement et qu’on doit souffrir en permanence son déchirement. Rupture qui n’est que blessure et jamais résolution.

C’est là l’idée qui se manifeste dans cette phrase de Kafka : jamais ces vieux amants (appelons-les comme cela) ne se sépareront vraiment. Ils sont trop vieux et ils ont vécu trop longtemps ensemble. Du coup, ils vont se déchirer, car ils ne peuvent faire autrement, et cette déchirure va devenir comme ces maladies chroniques qui provoquent des crises très douloureuses, mais qui n’évoluent jamais – pas même vers la mort.


Prenons un exemple : le film de Granier-Deferre, le Chat, avec Jean Gabin et Simone Signoret. Voici un vieux couple qui dure encore et encore, aboutissant à une cohabitation hostile. Lui n’aime plus sa femme, mais elle est encore en quête d’amour, ou du moins de reconnaissance. La rupture provient d’un chat adopté par Julien qui se met à adorer cet animal, et par la violente jalousie de Clémence qui se sent encore plus abandonnée. Elle tuera l’animal, provoquant cet « éclair » qui sillonne leur ciel. Le drame est que l’existence de l’autre est pour chacun une souffrance, mais qu’ils ne peuvent se déparer. Ils sont, comme les héros de Sartre (Huis-clos) condamnés à endurer éternellement la brûlure que chacun inflige aux autres.

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