Saturday, March 14, 2015

Citation du 13 mars 2015

Ses yeux profonds sont faits de vide et de ténèbres, / Et son crâne, de fleurs artistement coiffé, / Oscille mollement sur ses frêles vertèbres. / O charme d'un néant follement attifé.
Charles Baudelaire – Les Fleurs du Mal (1857), XCVII - Danse macabre


La Danse des morts, par Michael Wolgemut (1493)

Les danses macabres, tellement célébrées depuis le 14ème siècle avec le début des grandes épidémies de peste ont frappé notre imagination : comment la mort peut-elle ainsi se jouer de nous, les vivants ? Comment ce néant qui nous transit d’effroi peut-il devenir, comme ici, un être pourvu d’un charme évident ?
On peut évidemment supposer que faute de pouvoir lutter contre la mort, nous cherchons à la dominer en nous moquant d’elle – un peu comme Brassens qui se vante d’avoir « semé des fleurs dans le trou de son nez ». Mais c’est faire fi de la pensée de Baudelaire : cette ironie, ce mépris ricanant vient de la mort elle-même, pas de nous. Lorsque notre ennemi triomphe et nous terrasse, nous souffrons encore plus s’il ricane en même temps qu’il nous écrase. Nous admettrions peut-être qu’on aille « cracher sur notre tombe», mais pas qu’on dessus pour y danser.

Généralisons : ce que nous supportons mal, c’est l’idée que notre mort sera l’objet d’une réjouissance, qu’il y aura comme une fête à ce moment là.
Et si telle est la réalité, et si nous n’y pouvons rien ?

Reste à faire comme Jacques Brel, feindre que nous sommes, nous-mêmes organisateurs de ces joyeuses funérailles : J’veux qu’on rit, / J’veux qu’on chante / Quand c’est qu’on m’ettra dans le trou !

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