Sunday, September 14, 2014

Citation du 15 septembre 2014


Vous me direz que je veux donc vivre éternellement ; point du tout : mais si on m’avait demandé mon avis, j’aurais bien aimé à mourir entre les bras de ma nourrice ; cela m’aurait ôté bien des ennuis, et m’aurait donné le ciel bien sûrement et bien aisément.
Madame de Sévigné – Lettre à Madame de Grignan du 16 mars 1672 (à lire ici)
Voilà un point de vue bien original : au lieu de faire – comme les pessimistes – de la naissance un malheur, la Marquise tout en admettant que la vie est, dans son écoulement, faite de souffrances, considère qu’elle mérite d’être quand même vécue – Oui, mais seulement durant très-très peu de temps. Juste ce qu’il faut pour en jouir sans avoir la peine d’y souffrir. Mourir en bas âge, dans les bras de sa nourrice. Voilà le meilleur.
De quoi souffrons-nous selon Madame de Sévigné ? Nous souffrons d’incertitude devant les innombrables maux qui peuvent nous accabler. Lisez donc sa lettre (1) : on y voit que ces maux ne se limitent pas à cette vie, mais qu’ils peuvent encore nous guetter post mortem – Enfer ou Paradis ?
Quant à nous : avons-nous dominé ces angoisses ? Avons-nous l’assurance de pouvoir nous épargner ces maux quels qu’ils soient ? Avons-nous réglé notre débat entre le néant et la vie éternelle ?
Hélas ! Comme madame de Sévigné, nous avons toujours peur de l’avenir, c’est-à-dire de la décrépitude et de la mort. Comme elle je suppose, nous faisons bonne figure : nous faisons du sport pour tonifier nos muscles avachis ; nous avons plein de crèmes anti-âges ; nous continuons à acheter plein de joujoux numériques pour être au top-niveau du progrès et parler d’égal à égal avec les djeun’s.
Mais voilà, lorsque nous questionnons notre miroir, le matin dans la salle de bains : que nous répond-il ?
- Allez, reprends encore un petit Lexomil, ça ira mieux !
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(1) Pour les paresseux du clic, voici un extrait : « comment en sortirai-je (= de la vie) ? par où ? par quelle porte ? quand sera-ce ? en quelle disposition ? Souffrirai-je mille et mille douleurs, qui me feront mourir désespérée ? aurai-je un transport au cerveau ? mourrai-je d’un accident ? comment serai-je avec Dieu ? qu’aurai-je à lui présenter ? la crainte, la nécessité feront elles mon retour vers lui ? n’aurai-je aucun autre sentiment que celui de la peur ? que puis-je espérer ? suis-je digne du paradis ? suis-je digne de l’enfer ? Quelle alternative ! quel embarras ! »

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