Wednesday, August 31, 2011

Citation du 1er septembre 2011

Les gens qui savent le grec sont cinq ou six en Europe ; ceux qui savent le français sont en bien plus petit nombre.

Paul-Louis Courier – Extrait d'une lettre à Monsieur Renouard

Paul-Louis Courrier vécut, il est bon de le rappeler, entre 1772 et 1825, époque où, selon lui ceux qui savaient le français se comptaient sur les doigts d’une seule main.

--> Le français, langue morte – encore plus morte que le grec ancien.

Et voilà qu’aujourd’hui nos ministres de l’Intégration et de l’Immigration déclarent qu’il faut vérifier que les candidats étrangers à l’installation en France possèdent bien la capacité à manier notre belle langue.

Moi je dis : d’accord. Qu’on instaure un examen de français et qu’on expulse tous ceux qui y seraient recalés : ça va nous faire de la place – et pas seulement en banlieue. Et les charters pour … ailleurs vont être surbookés (1).

En cette rentrée où la morosité est de mise, mon propos ne sera pas de critiquer mais de louer.

De louer les peuples francophones qui mieux que nous savent ce que peut la langue française – qui le savent parce qu’ils la pratiquent mieux que nous.

Il est remarquable de noter que plus le français est parlé loin de nos frontières, meilleur il est.

Nos amis belges, suisses parlent à peu près comme nous, ni mieux ni pire.

Mais les peuples francophones de la brousse africaine eux parlent à coup sûr mieux que nous – je veux dire qu’ils ont un vocabulaire plus étendu que celui de bien des français, et un souci de la concordance des temps plus rigoureux.

Je garde pour la fin nos amis québécois, qui ont su faire évoluer sans l’abandonner ce français d’autre fois, et surtout qui considèrent cette langue que nous avons en commun comme un bien qu’il faut estimer et dont il faut user avec respect.

Que nos jeunes de banlieue qui en ragent du manque de respect à leur égard manifesté par la police prennent conscience qu’à leur tour ils manquent de respect envers la langue française, voilà de quoi méditer.

Tiens ! Voilà que je retombe dans la morosité ; je fais une finkielkrautite aigüe…(2)

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(1) Aïe ! Voilà que moi aussi je trahis la langue de Molière

(2) Alain Finkielkraut est un écrivain, philosophe et essayiste français né à Paris le 30 juin 1949.

…il défend la notion d'identité, l'idée de transmission, d'héritage, de tradition, ainsi que l'esprit des humanités et la redécouverte du sens du tragique. Il s'est exprimé sur l'antisémitisme et le racisme, sur le multiculturalisme, sur les failles du système éducatif français qui conduisent à la marginalisation des enfants de l'immigration… (Lire le reste ici)

Tuesday, August 30, 2011

Citation du 31 aout 2011

Ce que Paris conseille, l'Europe le médite ; ce que Paris commence, l'Europe le continue.

Victor Hugo – Discours à l'Assemblée constituante

Quand Paris s'enrhume, l'Europe prend froid.

Metternich

L'Europe ne peut être tranquille tant que la France n'est pas contente.

Victor Hugo

Ces citations livrées pêle-mêle et sans intention de polémiquer, simplement pour montrer qu’au 19ème siècle la France se prenait pour un leader en Europe, et qu’il lui a fallu apprendre à rentrer dans le rang – et surtout à admettre qu’elle n’était que dans le rang.

On dit que les français sont un des peuples les plus pessimistes de la planète, loin, très loin devant les pauvres et les miséreux. Et on l’explique en disant que la France est une nation sur le déclin, alors que le Bengladesh ou le Nigéria ne risquent guère de descendre plus bas.

Sans doute – Mais c’est un peu simpliste.

Car en quoi la France décline-t-elle ? Economiquement ? Socialement (avec un « modèle » français qui échoue en dehors des crises) ? Culturellement ?

Oui, mais pas seulement : la France a horreur d’être considérée comme un pays moralement inférieure. Quant au moment de la guerre d’Irak la France a fait obstacle à l’envoi d’un contingent de l’ONU, nos « amis » américains ont dit que la lâcheté française avait parlé – comme en juin 1940. Quand ils voulaient mimer un français, ils faisaient le type qui se rend, les mains en l’air. Voilà, c’est ça qui donne aux français le sentiment de ne plus être à la hauteur : ne plus pouvoir dire comme Victor Hugo Ce que Paris conseille, l'Europe le médite ; ce que Paris commence, l'Europe le continue.

On comprend alors combien le leadership européen constitué par le tandem franco-allemand nous redonne de fierté, et combien nos gouvernants vont sans en avoir l’air valoriser ces relations – en période électorale, ce n’est pas négligeable.

Mais voilà que des grincheux s’en mêlent et y vont de leurs sarcasmes : le couple franco-allemand disent-ils, c’est comme ces voitures hybrides, qui ont deux moteurs : un thermique de 200 chevaux, et un électrique de 60 chevaux censé épauler le premier pour économiser du carburant.

Là il va falloir réagir : un tel affront ne saurait rester impuni.

Et si on faisait une force militaire commune avec les anglais ?

Monday, August 29, 2011

Citation du 30 aout 2011


Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen.
Kant – Fondements de la métaphysique des mœurs, 2e section.
Hier, nous nous indignions de l’esclavage, et nous recherchions si on pouvait l’éradiquer et en même temps protéger la planète.
Hélas, il faut le dire : c’est impossible.
Reste donc la réponse kantienne (qui est une position morale) : faute de pouvoir nous passer de l’usage des autres comme simple moyen pour la satisfaction de nos besoins (rappelez-vous le pousse-pousse d’hier), il nous reste la possibilité de considérer en même temps les autres comme une fin en soi – c’est même un devoir.
Mais je vois notre ami Kévin qui arrive : il est mort de rire.
- Traiter les autres comme une fin : quèsaco ? Encore un de ces trucs incompréhensibles que les philosophes balancent comme ça en espérant que personne ne va leur demander ce que ça veut dire !
- Que nenni très cher.
La fin dont parle notre philosophe est la fin en soi, c’est-à-dire le but qui est constitué par une valeur définitivement établie.
La fin en soi est le symétrique de la cause première : celle-ci n’a pas besoin de cause antérieure pour exister, celle-là n’a pas besoin d’être englobée dans une valeur plus vaste, transcendante par rapport à elle.
- Cause première… Cause toujours, oui ! C’est du charabia et rien de plus.
- Hé bien vois-tu, Kévin, dans les deux cas, tu ne peux tout simplement pas demander « Pourquoi ».
Par exemple : « Pourquoi il faudrait respecter mon prof quand il me tourne le dos pour écrire au tableau. »
- Et lui, il me respecte peut-être quand il m’envoie au tableau pour l’exo de maths le lundi matin – à 8 heures !
- C’est l’être humain que tu dois le respecter. Et ça, c’est indiscutable.
- Eh bien voilà ! Tantôt c’est un être humain – dans la rue.
Tantôt c’est un prof – dans la classe.

Sunday, August 28, 2011

Citation du 29 aout 2011

L'homme a découvert les outils de façon successive. Mais, depuis les temps les plus reculés, l'homme a toujours été un outil pour l'homme.

Stanislaw Jerzy Lec – Nouvelles pensées échevelées

L’usage étant aujourd’hui de s’indigner, on ne rechignera pas devant la colère qui monte en nous à la lecture de cette citation : l'homme a toujours été un outil pour l'homme.

Cela reste-t-il vrai ? L’esclavage n’a-t-il pas été aboli grâce au machinisme ? Marx disait que dans les champs de coton les esclaves avaient disparus grâce à la mule-jenny (1). Au fond, quand on proteste contre l’usage des énergies fossiles, on oublie un peu vite que c’est ça – je veux dire : le machinisme – et non la morale ni la religion qui a délivré l’humanité de l’esclavage.

Des chercheurs (en quoi ? je ne sais plus) ont fait une étude, dont la presse s’est faite l’écho, visant à traduire notre consommation énergétique en « équivalent-esclave » : savez-vous qu’en additionnant votre voiture, plus tous les moteurs électriques (ascenseur, robots de toute sorte) vous mobilisez chaque jour l’équivalent de 60 esclaves?

Laissons de côté ceux qui regrettent de ne pas avoir comme ça 60 hommes robustes à leurs pieds : ce sont des pervers et n’en parlons plus. Par contre, je demanderai aux contempteurs (2) du progrès s’ils ne pensent pas qu’à les suivre on risque de rétablir l’esclavage ?

Tenez : pour aller travailler, laissez la voiture au garage, ne prenez ni un taxi, ni un bus, ni un tram. Il vous reste votre vélo – ou vos pieds. Mais vous êtes fatigué, en plus il pleut : prenez donc un pousse-pousse ou bien un vélo taxi.

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(1) J’ai lu ça dans le Capital 1 il y a longtemps : référence à vérifier.

(2) Mot du jour – Contempteur : Qui méprise ou dénigre.

Saturday, August 27, 2011

Citation du 28 aout 2011


Tous les mots sont des outils. Ni plus ni moins. Des outils de communication. Comme les voitures. Des outils techniques, des outils utiles. Quelle idée de les adorer comme des dieux !
Erik Orsenna – La grammaire est une chanson douce
Les mots n'ont pas de sens, ils n'ont que des valeurs.
Saussure
Voilà une idée qui, selon les individus suscitera un opinement du chef ou bien des grincements de dents. Car, si l’idée que les mots servent à communiquer est banale, celle qu’ils ont un sens bien défini, que tel mot signifie telle chose et rien de plus – mieux même : qu’en l’absence de tout usage il reste disponible pour cela (comme la voiture reste une voiture même parquée dans le garage) – est moins évidente.
Bah ! Evitons ces pièges et réfléchissons non pas à la question : « Qu’est-ce que l’outil m’apprend sur le mot ? » mais à celle-ci : « Qu’est-ce que le mot m’apprend sur l’outil ? »
- Nous partirons alors de la thèse de Saussure, opposée à celle d’Orsenna : le sens des mots n’existe pas en soi, mais il s’établit par relation aux autres mots.
Revenons à présent à l’outil. Voyez le tournevis : à quoi sert-il ? A « tourner » des vis, soit dans un sens (pour visser), soit dans un autre (pour dévisser). D’ailleurs il suffit de voir l’objet pour s’en persuader tant son « concept » est lisible dans sa forme.
Mais chacun le sait : aucun outil n’est détourné vers d’autres fonction autant que le tournevis : comme de servir de levier pour ouvrir les pots de peinture ; de tamponnoir pour forer un trou dans le mur ; d’arme pour poignarder un homme (1).
Au fond, les outils sont comme les mots : leur usage est « ouvert », il se définit dans et par l’usage que nous en faisons. Ou plutôt, il se définit par nos besoins du moment, c’est-à-dire par sa relation avec les autres objets, comme le mot prend son sens par relation avec les autres mots de la phrase.
… Mais alors que penser des outils monovalents qu’on nous propose aujourd’hui comme le nec plus ultra du progrès ?
Voyez le tournevis électrique : avec ça, qu’est-ce que vous pourrirez bien faire d’autre que de « tourner » des vis ?
… Si tout de même : éclairer de sol dans l’obscurité pour voir où vous mettez les pieds. Quand je vais au ciné, j’ai toujours mon tournevis Bosch dans ma poche.
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(1) Voyez cet alléchant article de Paris Match intitulé « Meurtre au tournevis ».

Friday, August 26, 2011

Citation du 27 aout 2011

Il semble évident qu’il est autrement plus grave de mettre un innocent en prison que de laisser cent coupables en liberté.

Marcela Iacub, juriste et spécialiste des mœurs, dans Libération du 24 aout, page 9

(à propos du non-lieu dans l’affaire DSK)

Voilà une sentence que beaucoup de citoyens français auraient envie je crois de retourner : « Mieux vaut mettre un innocent en prison que de laisser cent coupables en liberté », tant la justice semble être garante de la sécurité et rien de plus.

Et rien de plus… Que faut-il donc que soit la justice pour défaillir en emprisonnant un innocent ?

Je lis ceci dans le TLF : Justice : Principe moral impliquant la conformité de la rétribution avec le mérite, le respect de ce qui est conforme au droit.

Autrement dit, comme l’innocent n’a rien fait qui mérite le châtiment, la justice se renierait à revendiquer un tel exploit.

Bon – Mais alors, d’où parlent nos braves citoyens de tout à l’heure ? Et d’où parlait Goethe en disant Il vaut mieux qu'une injustice se produise plutôt que le monde soit sans loi. (1) ? Et Terence : Summum jus, summa injuria (2)

Ça fait du monde tout ça ; mais qu’est-ce que ça dit ? S’agit-il de dire que les choses humaines étant ce qu’elles sont, la justice des hommes est forcément imparfaite, et qu’à la vouloir parfaite on l’empêche d’exister ? Banal.

Mais on pourrait aussi dire que si la justice embastille un innocent pour protéger la société de grands désordres, elle ne fait que son devoir, venu de plus haut qu’elle-même ?

Pratiquer la justice, c'est obéir à l'instinct social; faire acte de justice, c'est faire un acte de société, dit Proudhon (3),

Voilà – Et c’est Proudhon, qui passe pour s’être inspiré de l’anarchie qui dit ça.
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(1) Citation du 29 mai 2008

(2) Justice extrême est extrême injustice – Citation du 15 février 2006

(3) Qu’est-ce que la propriété ? 1840