Monday, May 21, 2007

Citation du 22 mai 2007

Con, non pas con, mais petit sadinet (1)/ Con, mon plaisir, mon gentil jardinet../
Anonyme - Le con de la pucelle - Poème du cycle Blason anatomique du corps féminin - Edité dans : Louise Labé œuvres poétiques Poésie/Gallimard
Alors que tant de fleurs ont des noms poétiques /Tendre corps féminin' c'est fort malencontreux /Que la fleur la plus douce la plus érotique /Et la plus enivrante en ait de plus scabreux.
Mais le pire de tous est un petit vocable /De trois lettres pas plus familier coutumier /Il est inexplicable il est irrévocable /Honte à celui-là qui l'employa le premier […]
Georges Brassens - Le Blason (2)

Faut-il avoir peur des mots ? Peut-on célébrer ce qui fait un des attraits de la femme sans passer par la litote et la métaphore ?
Brassens s’indigne que le mot qui désigne ce sanctuaire serve à désigner aussi ceux des humains que l’on méprise. J’ai déjà traité de ce genre de vocable le 12 février : rappelons que le <con> - comme le couillon - occupe le pôle passif dans l’acte sexuel et que c’est à ce titre qu’il est déprécié.
Mais voyez le Blason du XVIème siècle cité plus haut ; voyez la tendresse de l’Anonyme, et l’élégance de son éloge. Le mot si honni par Brassens (= con) n’y apparaît-il pas transfiguré par le poète ?
Si ce poème paraît si limpide, si frais, c’est qu’il est juste à mi distance entre l’éloge bien pompeuse et bien sirupeuse qui serait absolument ridicule ici, et de l’allusion graveleuse mettant en jeu le rapport sexuel. Oui, j’ose le dire, l’Anonyme qui célèbre Le con de la pucelle prend la seule attitude qui vaille - pour un poète - : l’attitude contemplative. Il décrit un objet adorable ; il se trouve que ce soit le con de la demoiselle, mais si c’était sa main ou son cou délicat, ce serait la même chose.
Et, je dirai aussi quitte à peiner les admirateurs de Brassens, que celui-ci n’ a pas pris ce chemin, lui qui termine son Blason ainsi :
« En attendant madame il semblerait dommage / Et vos adorateurs en seraient tous peinés / D'aller perdre de vue que pour lui rendre hommage / Il est d'autre moyen et que je les connais / Et que je les connais. »
Pas très poétique ça…
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(1) Sadinet - Subst. : vulve. Adj. : mignonnet, gentil, gracieux
(2) Sans entrer dans les détails que vous retrouverez ici, disons que ces poèmes sont des éloges ici du corps féminin. On trouve aussi les « contreblasons » qui dénigrent ce que les « blasons » ont loué (voir le contreblason du tétin de Marot « Tétin qui n’as rien que la peau,/ Tétin flac, tétin de drapeau… » - à compare avec le Blason si connu déjà cité)

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