Tuesday, May 01, 2007

Citation du 2 mai 2007

Définition - « L'intelligence ? C'est ce que mon test mesure. »
Alfred Binet (1)

Quand on parle d’intelligence, de quoi parle-t-on ? On n’arrête pas de la mesurer et pourtant on se plaît également à souligner qu’il y a plusieurs façons d’être intelligent, qu’il y a l’intelligence abstraite, l’intelligence pratique, et même l’intelligence du cœur, que madame Michu vous dénichera dans son caniche (« un cœur avec du poil autour » : ravissant, n’est-ce pas ?). Binet a bien raison : à la poubelle tous ces salmigondis : L'intelligence ? C'est ce que mon test mesure. Point final.
Une philosophie de l’intelligence, vous trouvez ça pourtant : chez Bergson.
« L'intelligence est la faculté qu'ont certains êtres vivants (les êtres humains) d'agir sur la matière par l'intermédiaire d'outils et de connaître certains objets par l'intermédiaire de leurs rapports, donc avant tout la matière par l'intermédiaire de l'espace. » (Frédéric Worms - Le vocabulaire de Bergson)
Définir l’intelligence comme une faculté de désorganiser un donné brut pour le réorganiser en fonction d’un projet précis, ce n’est pas très original : ça revient à faire du bricolage l’activité intelligente par excellence.
Mais Bergson choisit en réalité un autre angle d’attaque. L’intelligence dit-il (2) est liée à l’espèce humaine : elle remplit une fonction biologique, tout comme l’instinct chez l’animal : celle d’assurer la survie de l’individu et donc de l’espèce. Mais cette connaissance oblitère selon Bergson une autre forme de connaissance, intuitive (3) celle-là. C’est la fonction biologique de notre intelligence qui limite la portée de notre intuition, en nous empêchant de voir les choses telles qu’elles sont réellement. Seul l’artiste, qui ne s’intéresse pas à l’utilité que les choses peuvent avoir pour la survie, voit le monde tel qu’il est : en perpétuel changement, avec des continuités et des ruptures que notre intelligence ne perçoit pas. Monet peint 5 fois la cathédrale de Rouen à des heures différentes de la journée, ce n’est pas la même. L’homme intelligent hausse les épaules.
L’intelligence bergsonienne est donc réductrice, et elle est strictement intéressée par l’action efficace.
Voilà qui devrait faire réfléchir tous les parents qui guettent les signes de l’intelligence précoce chez leurs bambins, avec le désir secret d’avoir enfanté un surdoué.
Qu’ils cherchent plutôt si ce ne seraient pas un Picasso ou un Miro qu’ils viennent de mettre au monde.


(1) Où Binet a-t-il écrit ça ? L’a-t-il seulement dit quelque part ? Après tout qu’importe : le fait qu’on y ait cru depuis si longtemps atteste l’intérêt de la formule.
Alors, un petit rappel pour ceux qui n’airaient pas en poche leur diplôme de psycho-prédago-quelquechose.
En 1905, le ministère de l'instruction publique chargea Alfred Binet, qui s'intéressait au développement des enfants, de trouver un moyen de détecter les enfants déficients, incapables de suivre le cursus scolaire classique, rendu obligatoire par les lois de Jules Ferry, et pour lesquels il faudrait organiser un enseignement adapté. Binet, assisté par le médecin Théodore Simon, construisit alors l'ébauche de ce qui allait devenir plus tard les tests mentaux, introduisant notamment une distinction entre l'âge mental d'un enfant (déterminé en fonction de sa capacité à comprendre ou à accomplir des tâches réussies par la plupart des sujets d'un groupe d'âge) et son âge biologique
(2) L’Evolution créatrice emploie ici plutôt le concept voisin d’entendement
(3) Nous appelons « intuition » l’acte indécomposable par le quel l’esprit comprend quelque chose, donc sans qu’on puisse analyser le processus qui y a mené.

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