Wednesday, May 09, 2007

Citation du 10 mai 2007

Je vais donc réhabiliter le travail, l'autorité, la morale, le respect,

Nicolas Sarkozy - Discours de la victoire électorale du 6 mai 2007

Au risque de vous saper encore un peu plus le moral, je reviens sur la déclaration de notre futur Président : après avoir esquissé une théologie du travail (8 mai), voici le respect moral (1).

On aimerait en savoir un peu plus, parce que le respect, c’est tout sauf clair : des fois, il s’agit d’un sentiment de vénération, des fois d’une attitude de réserve, parfois même d’une crainte éprouvée devant un danger (tenir quelqu’un en respect).

Le respect, qu’est-ce que c’est ? Demandons au philosophe.

La philosophie du respect vous en une trouvez chez Kant (2)

Morale - 2ème leçon : « [Le respect, c’est] la représentation d’une valeur qui porte préjudice à mon amour propre. ». Autrement dit, dans l’idée de respect il y a bien l’idée d’une distance, mais celle-ci s’impose par une certaine forme de transcendance de la valeur, ou si vous préférez d’abaissement, voire même d’humiliation de mon orgueil devant ce qui incarne cette valeur. Le respect est particulièrement important parce que c’est un sentiment moral : c’est l’expérience que nous faisons de ce qui a une valeur morale - et seulement morale. C’est ainsi que Fontenelle disait : «Devant un grand seigneur, je m'incline, mais mon esprit ne s'incline pas », signifiant par là que le prestige social n’avait rien qui puisse inspirer le respect.

- Tout ça, c’est bien gentil, mais ça avance à quoi ? Quand notre Président (Dieu l’ait en Sa Sainte garde) affirme qu’il nous respecte : à quoi il s’oblige ? On s’interdit d’insulter un adversaire politique, mais est-ce qu’on peut tolérer qu’on licencie une femme enceinte, ou qu’on laisse mourir de désespoir des gens à qui on a refusé l’asile politique ? Est-ce compatible avec le respect moral ?

- Kant : « Le devoir de respecter mon prochain est compris dans la maxime de ne ravaler aucun homme au rang de pur moyen au service de mes fins » (idem).

Ça c’est clair au moins : je n’ai pas le droit, moralement bien sûr, de traiter un être humain comme un outil ou un instrument, qu’on ne conserve que pour autant qu’il nous est utile. Donc, les conditions économiques sont inscrites au cœur de la morale pour autant que ce sont elles qui doivent être régulées pour satisfaire au devoir de respect.

- Ouais, mais quand il nous traite de racaille, y nous respecte l’aut’ bouffon ?

(1) Voyez mon Post du 4 juin 2006 pour illustration de la désastreuse méconnaissance du respect chez les jeunes.

(2) Par exemple, Doctrine de la vertu §25.

12 comments:

Anonymous said...

Je trouve le propos passablement démagogique.

Anonymous said...

A vrai dire je crois que ce qui me sape le plus le moral dans le discours de Mr Sarkozy c'est cette histoire de repentance.
A tort ou raison ?

Anonymous said...

réhabiliter la morale, oui mais laquelle religieuse, républicaine ?
Ce n'est pas la même pour moi car si on réhabilite une certaine forme de morale,on fait un retour en arrière : plus de droit à l'avortement par exemple.

Anonymous said...

Toute la question est en effet là : de quel travail parle-t-on (du travail à la chaîne payé au SMIC ?), de quelle autorité (celle qui fait dire à Kat, l'un des héros d' A l'ouest rien de nouveau, que tout homme, tel un chien se jette dessus ?), de quelle morale (celle de Benoît XVI ou celle du "droit de l'hommisme", pour reprendre les propos de notre nouveau président ?) et de quel respect ?
Soyons vigilant, soyons vigilant...

Jean-Pierre Hamel said...

Sur le reproche de démagogie.
Où est la démagogie ici ? Souvent on critique Kant en disant : "Bien sûr qu’il ne faut pas prendre autrui seulement comme un moyen, mais on est bien obligé de le faire aussi : la division du travail fait que je ne peux survivre sans le travail des autres, qui sont alors par rapport à moi de simples moyens."
Dire qu’on a affaire à de la démagogie, c’est faire comme si on ignorait qu’on est tenu au travail. Mais refuser d’examiner la limite entre tolérable et intolérable, c’est se faire manger tout cru par l’idéologie libérale
Explication : le problème est celui de la limite entre le moralement acceptable et l’économiquement profitable. Je peux si je suis patron exiger comme étant profitable à l’entreprise le travaille de nuit et du dimanche. Maintenant si mes employé(e)s me disent : « Cette contrainte porte atteinte à notre vie de famille, nous ne pouvons plus élever nos enfants, ni voir nos maris/femmes ? » Si je n’en tiens pas compte, n’est-ce pas que je les considère comme des outils dont l’existence en dehors de l’entreprise n’a aucune valeur ?
Faut-il comme dit le Commentaire de Philippe (Post du 8 mai) "Travailler plus pour vivre moins" ? Là encore, où est la limite entre ce qui est compatible avec une vie d’être humain et une vie d’esclave ?

Jean-Pierre Hamel said...

Sur la repentance : faut-il prendre les propos d'un homme politique comme l'est N. Sarkozy au sérieux ?
Vous avez remarqué qu'après avoir tonné contre la repentance il est allé avec Chirac à la journée de commémoration de l'abolition de l'esclavage. Et cette journée, ce n'est pas seulement l'affirmation de la gloire qui nous serait faite d'avoir bien voulu libérer les esclaves. La révolution l'avait fait : Napoléon l'a défait. Et la "Patrie des droits de l'homme" l'a toléré plutôt bien...
Avec les hommes politiques, les mots peuvent toujours être des manipulations - même quand ils sont sincères.
Seuls les actes comptent : et c'est là que la vigilance doit redoubler

Anonymous said...

Je rejoins donc mon propos premier. Dans votre analyse seul le salarié (pour ne pas dire l'ouvrier) travaille. Le "patron", entité que l'on sent armé d'un cigare et d'un club de golf, lui ne travaille pas, il contemplerait dans une oisiveté passive ce que les personnes exploités font à son compte.

Mais il faut revenir à la réalité, et cette dernière nous indique que la vie aussi est dure, pour les petits patrons, ceux des PME et des micro-entreprise. Que si des abus à la J2M existe, il ne représente bien qu'1 ou 2% de la masse patronale existante.

Je ne suis pas un défenseur de l'ultra-libéralisme. un fervent capitaliste ? Surement. Désolé si j'ai eu le verbe dur, mais cette cabale anti-sarkozyste parcourant la blogosphére m'effraye et me lasse. Ou va la démocratie si elle se met à bailloner ses représentants élus par le peuple et pour le peuple

Anonymous said...

Le monde est en effet complexe. A côté des "méchants patrons" exploiteurs de "gentils ouvriers", on trouve effectivement des patrons humanistes, qui dépensent une énergie considérable pour le bien-être de leur entreprise ET de leurs salariés.
Mais on ne peut pas non plus dire que les Jean-Marie Messier ne représentent que 1 ou 2 % des dirigeants d'entreprise.
Je connais un patron de PME directeur de bowling. J'étais un peu lassé, en parlant avec lui, de l'entendre me répéter à satiété : "Toi tu ne sais pas ce que c'est que travailler, avec tes 15 heures hebdomadaires. Moi je bosse plus de 70 heures par semaine !"
Jusqu'à ce que j'apprenne que discuter accoudé au bar avec un ami, en sirotant une bière, c'est du travail, le repas de midi avec un client, c'est du travail, le temps passé tout simplement avec moi quand je viens au bowling, c'est du travail. Alors c'est sûr, à ce compte là, la durée du temps de travail s'allonge considérablement...

Anonymous said...

Attention, je ne viens pas énoncer que le patronat a un point de vue réaliste en tout point sur sa condition et le monde qui nous entoure.
Je pense qu'à l'instar d'une classe salarié, il est aussi en proie à des mythes qui lui sont propre.

Le problème est d'autant plus complexe que souvent le manager n'est "patron" que de par ses fonctions, et non de la propriété qu'il a sur l'entreprise. Il n'est souvent qu'un salarié comme un autre à la botte du vrai patronnat, le silencieux, le discret, l'éparse et insaisissable actionnariat.

Ce dernier doit être pris au sérieux, il doit etre éduqué et moralisé sans pour autant être légiféré. Pourquoi ne pas légiférer. J'entends la loi comme un baton contraignant "la mauvaise action plutot qu'un étau comprimant "l'action" elle même.

Anonymous said...

Je ne parlais pas des patrons d'entreprises côtées en bourse (dont on peut légitimement critiquer certains comportements), mais bel et bien des patrons de PMI/PME, qui sont effectivement les "pilotes" de leurs entreprises.
Je prends un autre exemple : mon actuel propriétaire, qui est président de la Chambre d'agriculture de Haute-Marne, et qui a créé sa propre SARL. Sur Chaumont, la ville où j'habite, il possède pas moins de 46 appartements, qu'il loue tous, pour des loyers allant de 300 à 900 euros (je vous laisse faire le calcul approximatif). C'est par ailleurs quelqu'un de très sympathique, qui m'a fait cadeau dans sa grande bonté de 10 euros de charge par mois, et des frais de dossier. Cela ne l'empêche pas de se plaindre continuellement des lourdes charges qui pèsent sur ses frêles épaules d'entrepreneur militant.
Ce ne sont bien sûr que des exemples (et le passage du particulier au général n'est pas valable, rappelons-le), mais je m'autorise à penser qu'un grand nombre de patrons de PME se plaignent très abusivement.

Jean-Pierre Hamel said...

Je réponds à Lucius :
1 - Cabale anti-sarkozyste : s’il s’agit de protester contre une homme - un élu - ce n’est sûrement pas mon affaire.
Maintenant, vous remarquerez que je ne permets d’élever une protestation qu’en prenant appui sur les principes mêmes prônés par l’élu. Il veut restaurer la morale ; et puis il veut libéraliser les conditions de l’embauche et le temps de travail.
Vous voyez qu’il peut avoir contradiction entre les principes et les mesure « hors principes » dont je viens de parler. Du moins c’est sur cet aspect là que je polémique.
2 - Inutile de tirer sur les patrons - pas ceux du CAC, ceux des PME - eux aussi ils bossent dur, parfois au détriment de leur vie d’hommes. Et alors ? Soit ils l’ont choisi et alors ils sont libres et ils se réalisent d’une certaine façon. Mais avouez qu’il y a bien de la différence entre leur situation et celle de l’employé qui n’a pour alternative que le chômage.
Soit ils n’ont eux-mêmes que ce chômage pour alternative, et alors ils sont dans un cas de négation de leur être condamnable moralement.

Anonymous said...

"Quand un américain voit passer un gars dans une grosse bagnole, il pense: il a du travailler dur, pour en arriver là. Un Français devant le même spectacle dira: Il a du drôlement faire suer le burnous à ses ouvriers pour se la payer."