Friday, August 11, 2006

Citation du 12 août 2006

Ce que nous vendons à Coca-cola, c'est du temps de cerveau humain disponible.
Patrick Le Lay, président directeur général de TF1 9-7-2004

On a été très injuste avec Patrick Le Lay ; on lui a fait grief de sa phrase sur le temps de cerveau, mais on l’a séparée de son contexte. Tant qu’à faire de le citer, allons jusqu’au bout de sa pensée.
"Rien n'est plus difficile que d'obtenir cette disponibilité. C'est là que se trouve le changement permanent. Il faut chercher en permanence les programmes qui marchent, suivre les modes, surfer sur les tendances, dans un contexte où l'information s'accélère, se multiplie et se banalise".
Autrement dit : on est bien obligé d’être des mécènes c’est à dire de soutenir la création, coûte que coûte, sinon c’est à une nouvelle « fuite des cerveaux » qu’on assiste.
Lisons les programmes de TF1 qui correspondent à ce beau projet.
[…] Bref, je n’en ai pas sous la main et vous connaissez aussi bien que moi la part du divertissement (entertainment disent les gens branchés) dans les programmes de grande écoute (prime time) : on peut juger comme on veut ces programmes et dire qu’ils sont bons puisqu’ils répondent à l’attente du public et que le public est « bon » (1). Mais ce qui est certain, c’est que « le changement permanent » n’y est pas l’indice d’une création, parce qu’elle celle-ci ne serait pas immédiatement lisible, parce qu’elle demanderait un temps d’adaptation, c’est-à-dire de réflexion. Et c’est là que la supercherie apparaît. Le Lay voudrait nous faire croire qu’il est condamné à l’excellence pour vendre son antenne à Coca-cola. Mais c’est le contraire qui est vrai : comment croire que ces cerveaux, capturés par les jeux de Lagaf’, puissent être réceptifs à la pub s’ils étaient déjà occupés à réfléchir ? C’est leur inaction dans la réceptivité qui compte.
Voilà donc décodée la pensée-Le-Lay : « suivre les modes, surfer sur les tendances », ça veut dire obtenir que tous ces gens regardent leur télé au lieu de faire autre chose ; il faut donc stimuler leur appétit d’images. Et puis, c’est du « cerveau humain disponible », ça veut dire : on contourne le cortex et on tape sur le cerveau moyen, celui de l’affectivité et des émotions ; peut-être même qu’on atteint le cerveau reptilien, qui sait ?


(1) C’est l’argument du même Patrick Le Lay quand on lui reproche de faire de la Trash-TV ; il dit « Vous méprisez donc tous ces gens qui nous regardent et qui nous aiment. »

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